La Raison
Les Lumières se définissent comme la sortie
de l'homme hors de l'état de minorité, où il se maintient par
sa propre faute. La minorité est l'incapacité de se servir de
son entendement sans être dirigé par un autre. Elle est due à
notre propre faute quand elle résulte non pas d'un manque
d'entendement, mais d'un manque de résolution et de courage pour
s'en servir sans être dirigé par un autre. Sapere aude ! Aie le
courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise
des Lumières.
La paresse et la lâcheté sont les causes qui expliquent qu'un
si grand nombre d'hommes, alors que la nature les a affranchis
depuis longtemps de toute direction étrangère, restent
cependant volontiers, leur vie durant, mineurs ; et qu'il soit si
facile à d'autres de se poser comme leurs tuteurs. Il est si
commode d'être mineur. Si j'ai un livre qui me tient lieu
d'entendement, un directeur qui me tient lieu de conscience, un
médecin qui juge de mon régime à ma place, etc., je n'ai pas
besoin de me fatiguer moi-même. Je ne suis pas obligé de
penser, pourvu que je puisse payer ; d'autres se chargeront pour
moi de cette besogne fastidieuse. Que la plupart des hommes
finissent par considérer le pas qui conduit à la majorité, et
qui est en soi pénible, également comme très dangereux, c'est
ce à quoi ne manquent pas de s'employer ces tuteurs qui, par
bonté, ont assumé la tâche de veiller sur eux. Après avoir
rendu tout d'abord stupide leur bétail domestique, et
soigneusement pris garde que ces paisibles créatures ne puissent
oser faire le moindre pas hors du parc où ils sont enfermés,
ils leur montrent ensuite le danger qu'il y aurait de marcher
tout seul. Or ce danger n'est sans doute pas si grand que cela,
étant donné que quelques chutes finiraient bien par leur
apprendre à marcher (...).
E. Kant, «Qu'est-ce que les
Lumières ? ».
Questions :
1/ Dégagez l'idée principale du texte et les
étapes de l'argumentation.
2/ Expliquez :
- « l'état de minorité où il se maintient par sa propre
faute »
- « il est si commode d'être mineur »
- « le pas qui conduit à la majorité et qui est en soi
pénible »
- « ces tuteurs qui, par bonté, ont assumé la tâche de
veiller sur eux »
3/ Comment et pourquoi penser par soi-même ?
4/ Selon vous, la raison implique-t-elle
l'obéissance civile ?
Marc Aurèle.
Questions :
« C'est en renvoyant au sentiment, son oracle intérieur, que le bon sens en finit avec quiconque ne s'accorde pas avec lui ; il ne peut que déclarer à celui qui en lui-même ne trouve ni ne sent ce que lui pour sa part trouve et sent, qu'il n'a plus rien à lui dire. En d'autres termes, il foule au pied la racine même de l'humanité. Car la nature de celle-ci est de tendre vers l'accord avec les autres, et elle n'a d'existence qu'une fois réalisée la communauté des consciences. Ce qui est anti-humain, bestial, c'est de rester au niveau affectif et de ne pouvoir s'exprimer autrement. »
HEGEL
Questions :1/ Dégagez l'idée principale du texte et les étapes de l'argumentation.
2/ Expliquez :
- « son oracle intérieur »
- « la racine même de l'humanité »
- « anti-humain »
- « la communauté des consciences »
3/ Quel est ici le rapport entre le bon sens et le sentiment ?
4/ Pensez-vous que la discussion fasse de nous des hommes plus
accomplis ?
(c'est à dire, ici, nous fasse dépasser le sentiment pour
atteindre la raison)
Dissertation :
Faut-il qu'il y ait une raison à ce qui est et à ce que nous faisons ?
“ Je vois par exemple que 2 fois 2 font 4, et qu'il faut préférer son ami à son chien, et je suis certain qu'il n'y a point d'homme au monde qui ne le puisse voir aussi bien que moi. Or je ne vois point ces vérités dans l'esprit des autres: comme les autres ne les voient point dans le mien. Il est donc nécessaire qu'il y ait une raison universelle qui m'éclaire, et tout ce qu'il y a d'intelligences (1). Car si la raison que je consulte n'était pas la même qui répond aux Chinois, il est évident que je ne pourrais pas être aussi assuré que je le suis, que les Chinois voient les mêmes vérités que je vois. Ainsi la raison que nous consultons quand nous rentrons dans nous-mêmes est une raison universelle. Je dis quand nous rentrons dans nous-mêmes, car je ne parle pas ici de la raison que suit un homme passionné. Lorsqu'un homme préfère la vie de son cheval à celle de son cocher, il a ses raisons, mais ce sont des raisons particulières dont tout homme raisonnable a horreur. Ce sont des raisons qui dans le fond ne sont pas raisonnables, parce qu'elles ne sont pas conformes à la souveraine raison, ou à la raison universelle que tous les hommes consultent. ” Nicolas MALEBRANCHE.
(1) : “ et tout ce qu'il y a d'intelligences ” = et tout ce qui existe comme êtres intelligents.
1/ Dégagez l'idée centrale de ce texte à partir des étapes de son argumentation.
2/ Pourquoi faut-il préférer son ami à son chien ?
3/ Expliquez la différence entre la raison universelle et les raisons particulières.
4/ Courte dissertation : suffit-il d'avoir ses raisons pour avoir raison ?